JAMES WEBB, le télescope spatial qui voyait « presque » trop bien.

Le telescope spatial James Webb lancé le 25 décembre 2021 est le successeur de Hubble. Sa mission, rechercher de nouvelles formes de vie, de nouvelles civilisations, et fièrement regarder là où nul n’est homme n’est allé…?! Non, mais presque. D’ailleurs le télescope a instantanément produit des captures qui troublent sinon ébranlent la compréhension que nous avons de l’univers et de son origine. Certaines découvertes sont si inattendues qu’elles ont exposé pour la première fois l’astrophysique à des polémiques qui fragilisent le front habituellement uni de la discipline. 

La mission de James Webb : projeter son regard par delà les limites de l’univers en se concentrant sur les plus grandes longueurs d’ondes. Bien que James Webb soit apte à observer dans le visible (de 600nm à 28µm), ses capacités et ses instruments se dédient à l’infrarouge. Ses immenses miroirs notamment autour de sa colonne centrale de 6,5m (3x la taille de Hubble) promettent de repousser les limites de nos observations dans l’espace et dans le temps, de mieux comprendre les premiers âges de l’univers, la formation des trous noirs et des Galaxies, d’observer directement des exoplanètes et de glaner des indices décisifs sur la mystérieuse énergie noire.. Des ambitions aux proportions formidables, presque exagérées… Pourtant, sitôt opérationnel, JWST de son petit nom a instantanément bombardé la communauté scientifiques d’observations qui excèdent de très loin les attentes les plus folles, allant jusqu’à bouleverser nos certitudes sur le Big Bang et le déroulé de l’univers primitif. 

Des Galaxies précoces un peu trop mâtures… 

La première et principale surprise vient de l’observation de Galaxies auparavant impossibles et pour cause. L’infrarouge consiste dans un segment de longueurs d’ondes qui correspondent à la limite extrême du niveau d’énergie de la lumière. Dans le cas des limites de l’univers visible, c’est à dire l’horizon des événements pour nous qui sommes habitants de la voie lactées, James Webb nous permet précisément de “repousser”  ses limites, en améliorant et en démultipliant les informations que nous adressent ces lointaines frontières. situées à 36 Milliards d’années lumières soit une distance qui échappe à notre appréhension des distances. Nous sommes au centre de notre univers, comme toute chose est au centre du sien : Pourquoi ? parce que l’univers est en expansion et que cette expansion se produit partout et dans toutes les directions. L’image employé par les astrophysiciens, c’est celle d’un immense cake que l’on aurait mis à cuire. Celui-ci parsemé d’éclat d’amandes grossit de telle sorte que chacune de ces fractions s’éloigne des autres en proportion de la distance qui les sépare et ainsi de suite. Lorsque l’on a compris cela, on commence à saisir la notion d’univers local et pourquoi l’univers visible n’est qu’une toute petite partie de l’univers, sans exclure la possibilité qu’il soit infini.  

Pourquoi ces limites et qu’est-ce que l’horizon des événements ?

Cette notion est à l’origine employée pour décrire la limite extrême d’un trou noir dans le périmètre de laquelle, la lumière elle-même ne peut s’échapper. Dans le cas de l’univers, c’est assez différent puisque c’est la distance à partir de laquelle par l’expansion de l’univers, les objets s’éloignent à  une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière. Celle-ci reste indépassable mais ici c’est l’espace qui se dilate, et les vitesses s’additionnent donc au fur et à mesure. Lorsqu’un objet est très éloigné de nous, il se produit un phénomène que l’on appelle red shifting ou inflexion vers le rouge : la distance couplée à l’expansion mettent la lumière à rude épreuve avec pour effet d’allonger sa longueur d’onde. Ce faible niveau d’énergie (l’énergie de la lumière est inversement proportionnelle à sa longueur d’onde)  suppose de regarder et d’observer dans le spectre infrarouge, discipline dans laquelle JWST a été conçu pour exceller.

Hubble avait permi d’identifier de façon très approximative des objets extrêmement distants dont nous pensions qu’ils étaient situés dans l’ourlet extrême de notre univers local. On savait que James Webb permettrait de voir bien plus précisément et de mieux comprendre leur configuration correspondant aussi à leur âge très avancé proches de celui de l’univers (13,1 milliards d’années). 

Cette image publiée par la NASA le 12 juillet 2022, prise par le télescope spatial James Webb (JWST),

0.1 secondes d’arc.

Soit 1/36000 de degré d’Angle.. ou 1/12000 000 ème du ciel sur un seul axe… Je vous ai perdu ? On le serait à moins, les chiffres sont suffocants, cela signifie que chaque cliché de Webb est capable de révéler avec une définition d’environ 2000 x 2000px une fraction de moins d’un millième de Milliardième du ciel. Rapporté à la lune qui couvre environ un demi degré d’angle, cela signifie qu’en Imaginant que JWST soit sur Terre et oriente ses optiques vers la Lune, un de ses clichés couvrirait une surface correspondant à 200m sur 200m soit un pixel pour 10cm…

Quand la HD puis le Full HD se sont répandus, on a soudain réalisé que toutes ces informations supplémentaires n’étaient pas toujours flatteuses. Comparaison précaire dont je vous laisse juge  mais qui d’une certaine façon me rappelle notre télescope prodige. Certes, James Webb a pu nous transmettre instantanément des clichés incroyablement précis de ces galaxies mais tout ce qu’il a observé a mis en évidence des décalages plus ou moins importants par rapport à ce qui était attendu. Censément à peine adolescentes, ces galaxies présentent pour la plupart des disques spiraux formés et sont habitées d’étoiles matures elles-aussi. La conclusion est inéluctable : elles paraissent s’être formées avant le moment où nous situons le BIG BANG. Naturellement ces observations se sont accompagnées de la détection de nouveaux objets encore plus lointains, au-delà même des 40 milliards d’années lumières et en contradiction avec tout ce que nous présupposions. Ne concluons pas trop vite, la controverse fait rage et l’on est très loin de pouvoir statuer sur un potentiel réajustement de nos connaissances. De nombreux astrophysiciens rappellent la communauté à la raison, mais l’excitation est très forte et cela faisait longtemps qu’autant de bouleversements ne s’étaient succédés à un tel rythme. 

Il semble en parallèle que certains réglages et calibrages du télescope soient en cause qui pourraient expliquer ces anomalies. Beaucoup de tests, d’analyses et d’observations complémentaires doivent être réalisées avant que l’on sache si ce grand chambard fera long feu. 

Les implications ?

Poussons néanmoins la spéculation et examinons les conséquences pour les théories de l’univers si ces observations étaient confirmées.  Cela reviendrait à remettre en question le principe même du Big Bang. Notre perception de l’univers cesserait d’être corrélée à une limite temporelle comme nous le pensons aujourd’hui. Il serait de fait plus vieux que nous le supposons et ses dimensions 

potentiellement infinies. 

Il est possible d’imaginer le contraire en conservant l’idée d’un moment primordial et de conclure que l’univers n’est pas aussi grand que nous le pensons  dès lors que nous pouvons voir des galaxies à l’extrémité de l’univers observable. Une autre possibilité est que l’univers s’étende plus rapidement que nous le pensions. suggérant des galaxies situées à l’extrémité de l’univers observable s’éloignant de nous plus rapidement que nous le pensions (et donc plus jeunes)… 

the James Webb telescope falling in the firing eye of Sauron strong as a black hole (vue d’artiste KEATSLAB pour BSS)

Le Cas GLZ 13 

GLASS-z13 est une galaxie extrêmement lointaine qui a été découverte grâce au télescope spatial James Webb. Cette galaxie est l’une des plus anciennes à avoir été découvertes, datant de seulement 329,8 millions d’années après le Big Bang. GLASS-z13 a un décalage vers le rouge estimé à environ z = 13,1, ce qui signifie qu’elle est située très loin de la Terre. En raison de l’expansion de l’univers, GLASS-z13 a actuellement une distance propre de 33,205 milliards d’années-lumière de notre planète. 

Son observation pour la première fois par James Webb en Juillet 2012 a donné lieu à des interprétations contradictoires portant même certains à suggérer que la théorie du Big Bang était potentiellement questionnée par sa découverte ( ainsi que GLZ-11)

Tout commence par un article dans le magazine Nature dans lequel Allison Kirkpatrick, astrophysicienne à l’université du Kansas explique comment les observations du nouveau télescope nuance et complexifie les prédictinos sur la formation des galaxies. Alors, Eric Lerner un chercheur rédige un article affirmant que les observations de JWST réfutent  le Big Bang. C’est l’emballement, et des sites d’information grand public reprennent massivement son article qui déforme largement les dires du Professeur Kirkpatrick. Elle reçoit alors un message texte d’un ami lui indiquant que l’article était partagé sur les médias sociaux. Elle avait oublié une citation utilisée hors contexte pour suggérer qu’elle paniquait à propos de la théorie du Big Bang.

Bien que ses proches n’aient jamais douté de la déformation de ses propos, des connaissances plus éloignées ont commencé à la contacter, lui demandant si elle avait vraiment dit cela et mettant même en doute sa santé mentale, tandis que les mails s’accumulaient en réaction ne faisant que grossir la quantité de gens le croyant sans se questionner le moins du monde. 

L’astrophysique victime à son tour des mensonges de la déformation des faits.

Il est difficile d’atteindre les négateurs de la science car ils se méfient de ce que leur disent les experts ou les figures d’autorité. Cependant, c’est une erreur de ne pas leur répondre car à défaut, ils sont portés à recruter d’autres croyants. Les seules personnes qui ont jamais changé d’avis sont celles dont une personne de confiance a pris le temps de leur faire comprendre qu’elles se trompaient. Les astronomes sont capables de dialoguer avec le public et de donner un visage humain à la science, ce qui est plus difficile pour les chercheurs dans d’autres domaines scientifiques explique Allison Kirkpatrick. 

A doubtful man ponders a flat earth – Keatslabs, BSS 2022.

Comprendre La “science”du Déni avec les adeptes de la “Terre Plate”

Lee McIntyre, philosophe des sciences à l’université de Boston, a écrit un livre intitulé « How to Talk to a Science Denier ». M. McIntyre a passé plusieurs jours à discuter avec des croyants lors d’une convention sur la Terre plate et en est revenu avec une meilleure compréhension des méthodes utilisées par les négateurs de la science, quel que soit le sujet abordé. La première étape du déni scientifique consiste à sélectionner les preuves en ignorant celles qui ne soutiennent pas leurs croyances. Il y a ensuite la croyance enracinée d’un complot secret pour tromper le public. Troisièmement, ils s’engagent dans un raisonnement illogique, c’est-à-dire qu’ils proposent une explication qui n’a aucun sens. Quatrièmement, ils s’appuient sur de faux experts et dénigrent les vrais experts. Cinquièmement, ils insistent sur le fait que la science doit être parfaite pour être crédible. Ce sont les cinq étapes que McIntyre a extraites de ses recherches à la convention sur la Terre plate.

JSWT tient toutes ses promesses et comme espéré, il nous fait progresser à coups de mini-séismes dont les retentissements trahissent la fébrilité des temps. Cela ne doit pas nous priver du juste émerveillement face au génie humain engagé sur la route des étoiles et l’insondable magie qui nous tend les bras à travers le temps et l’espace. La science est le plus bel hommage rendu par l’homme au théâtre de son existence ; nos théories sont appelées à être contenues par de nouvelles qui les prolongeront tout comme la relativité a embrassé la théorie Newtonienne en la portant à une échelle entièrement nouvelle.

Variation sur le thème du Baloomsy detector de Carl Sagan, voici un ensemble de principes à adopter pour éviter d’adhérer trop vite à une opinion quelle qu’elle soit. 

1. Vérifiez la source – provient-elle d’une source réputée telle qu’une revue évaluée par des pairs ou un site d’information grand public ?

2. Qualifications – l’auteur est-il membre d’une université ou d’une institution réputée, ou est-il un chercheur indépendant sans accréditation ?

3. Qui d’autre est d’accord – pouvez-vous trouver d’autres experts accrédités d’institutions traditionnelles qui sont d’accord, ou au moins fournissent une certaine validité ?

4. Références – l’auteur a-t-il fait ses recherches et cité d’autres recherches crédibles pour étayer ses résultats ?

5. Suivez la logique : l’auteur ne fait-il qu’une sélection de preuves, laissant de côté certains éléments pour les adapter à son récit ?

6. Devenez un expert – si tout échoue et que vous n’êtes toujours pas sûr, lisez un peu sur le sujet pour vous assurer que vous n’êtes pas trompé.


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