La Jaguar Type-F porte sur ses amples épaules l’espoir du retour d’une marque sur ses terres originelles : celles de la sportivité et de la ferveur automobile. Nous l’avons rencontrée entourée de sa garde rapprochée et définitivement non, elle n’est pas là pour acheter du terrain.
Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas sérieusement titré sur l’automobile chez BSS et ça manquait naturellement au bonheur de la communauté. Les habitués auront noté un élargissement des thématiques, un élargissement au final des plus logiques compte tenu de l’esprit de BSS résidant dans l’ouverture et la passion, dans l’exaltation, la ferveur, la sensualité et la vie… Comment et pourquoi l’automobile peut et doit se raconter autrement, bref comment ce qu’elle recouvre et prodigue répond à notre essence individuelle et collective… Le cinéma, les belles lettres, la philosophie, et l’ivresse des concepts novateurs sont des bonheurs de la même espèce… La passion automobile est instinctive et le sourire qu’elle peint sur le visage des enfants parachève l’évidence : pour polluante et déplacée qu’elle puisse paraître dans notre époque normée, certifiée et labellisée, elle est le miroir d’une tension élémentaire, première.
Une passion omniprésente mais qui profite du progrès pour s’accroître de nouvelles attentes : convivialité et raffinement s’invitent dans le cocon d’un poste de pilotage transmué en lieu de vie. Jaguar l’a bien compris et après plus d’une décennie d’aventures contrastées célèbre aujourd’hui le rituel de la résurrection en révélant la Type F.
Navré pour ceux qui savent déjà tout de cette Baby Jag taillée pour le succès mais il faut en passer par les présentations pour tous ceux qui la découvrent. Jaguar, c’est pour le quidam l’image de l’automobile bourgeoise, d’un luxe un peu désuet d’abord hors du temps puis peu à peu hors de son temps. Héroïne d’une fable qu’aurait pu écrire La Fontaine, la marque Anglaise est la victime d’un succès populaire, d’une image qui lui échappe à l’orée des années 70 avant sa congélation dans l’implacable carbonite des clichés à la française. Oublié son admirable passé sportif et les multiples victoires au 24h du Mans, seul demeure la silhouette de la XJ, au point d’oblitérer temporairement la Type-E …
Cette ligne aura usé sa modernité durant plus de 40 ans de la XJ série 1 à la XJ8 plateforme aluminium… En dépit de l’épisode compliqué de la XJ 220 qui mérite d’être cité mais pas d’être inadéquatement raconté, Jaguar aura longtemps joué avec son image, flirté avec la possibilité de sa « contemporanéité » sans tout à fait passer à autre chose.
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“Jaguar aura longtemps joué avec son image, flirté avec la possibilité de sa « contemporanéité » sans tout à fait passer à autre chose”
Bref, dans les années 80 et 90, Jaguar continue à briller partout sauf dans les concessions où les XJ et XJS bouchonnent le futur de la marque. Le Flambeau du renouveau s’embrase réellement avec la présentation et la commercialisation des XK8 et XKR. On passe vraiment à autre chose avec un coupé 2+2 certes mal foutu, aussi inhabitable que volumineux, mais irrésistible et dont l’ascendance fraye avec Aston Martin puisque la XK8 partage alors sa plateforme avec la DB7…
Image XK C’est le virage espéré mais Jaguar, dont Ford tire alors les ficelles, rechute, et expire une demi-mesure avec une automobile ingrate, comprendre pas sans talent mais déchirée entre ce qu’elle doit être et ce qu’elle ne peut être : la S-Type. Philippe Martin (auquel on envoie plein de merci pour nous avoir convié et cornaqué dans la présentation de cette Type-F) était déjà concessionnaire de la marque lors du lancement de la S-Type… À l’époque, il découvrait une voiture dont la technologie et l’aboutissement allaient permettre à Jaguar de se battre à la loyal avec une production allemande déjà très en verve. Pour autant, les années passant, la S-Type peinera à imprimer son identité et se verra même trahie par la décision de Jaguar d’élargir son offre et d’aller ratisser dans le milieu de gamme avec la X-Type développée sur plateforme Mondeo.
When I was little, I wanted a Jaguar because they made the E-Type. And because I liked Steed’s wide-bodied XJ in The Avengers. My son, however, wants a Subaru. I have never once heard him say: « Dad. When I’m big, I want a diesel X-Type ». Jeremy Clarkson
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Quand j’étais petit, je voulais une Jaguar parce qu’ils avaient fait la Type-E. Et aussi parce que j’adorais la XJ Bodybuildée de Steed dans Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Mon fils en revanche veut une Subaru. Je ne l’ai jamais ne serait-ce qu’une fois entendu dire : « Papa, quand je serai grand, je veux une X-Type Diesel ». Jeremy Clarkson
En 2003 Jaguar prend tout le monde à contrepied en relançant son haut de gamme XJ auquel elle greffe une somme de sophistications jamais vue dans une enveloppe qui mime le modèle de 1968. La S-Type qui ouvrait une nouvelle voie est désavouée, et Jaguar se jette à corps perdu dans une stratégie consistant à badger son mythe sur des usurpations en vente libre…
Mais la messe n’est pas dite : le coupé XK renait en 2006 arborant une plastique diabolique qui finit de semer le trouble. Ceux qui aiment espèrent, les autres ronchonnent devant pareille inconstance ; tout le monde s’arrache les cheveux. À tort, cette fois c’est la bonne, la XJ présence spectrale honnie en a fini avec ses errances terrestres, la XF puis la nouvelle XJ (X351) assènent un style abouti et une personnalité trempés. Les XFR et XKR reçoivent l’onction suprême, celle des Dieux Clarkson, Metcalfe, Needell et consorts depuis leur insulaire Empyrée. Cela ne suffit pas, Jaguar dont la légende est née sur les pistes sait qu’elle doit manifester le réceptacle dans lequel s’incarnera l’héritier d’un règne qui fut naguère le sien…
Ce pitch aux accents de conquête du pouvoir ultime, et de domination du monde, c’est juste un peu de stabylo sur le scénario d’une révélation qui pourrait faire la révolution : la Type-F.
(fin de la première partie).
To be continued…
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