Quatre ans après Inglorious Basterds, Quentin Tarantino nous livre un western spaghetti hors norme, dans une Amérique pré-abolitionniste tragique d’authenticité. Sans doute son œuvre la plus accomplie.
Me voici donc confronté au douloureux exercice de la critique. Peu adepte du genre en raison de sa subjectivité parfois inquisitoriale, je vais donc me laisser aller simplement à un hommage très personnel, à une vision propre au profane mais surtout à l’amoureux du cinéma que je suis.
Django Unchained. Le titre en jette et sonne déjà comme un avant-goût de ce qui va suivre. Tarantino le passionné aime les clins d’œil et évoque cette fois Django, le western trop méconnu de Sergio Corbucci de 1966. L’apparition de Franco Nero, interprète titre de l’époque, adoube cette filiation.
Pour le reste ? 2h45 sans aucun clignement d’œil. La magie de l’écran noir opère : subjugué du générique de début du film jusqu’à son crépuscule, par ce déferlement d’images et de musique (BO parfaite), de travelling et de cadrages, de tragique et d’humour, de personnages et d’acting, de kitsch, de décors, de giclées de sang, de références…des thèmes si chers à Tarantino.
Django Unchained nous plonge dans un univers si loin, si proche, une Amérique esclavagiste au sortir de la guerre de Sécession. Des paysages à couper le souffle, l’immensité du vide se frottant à la densité des domaines agricoles du Mississipi et des petites villes du Texas, soulignant les contrastes sociaux et sociétaux d’un état à l’autre, de l’homme texan de la pampa au richissime propriétaire terrien.
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Un point commun à ce décor : l’homme Noir, enchaîné, soumis, torturé, traité à l’égal d’un animal et main d’œuvre privilégiée de ces maîtres Blancs. L’Holocauste Noir n’est évidemment pas sans rappeler l’Holocauste Juif vu par Tarantino dans Inglorious Basterds. Mais la force de ce film réside dans sa capacité d’évocation de cette immense tragédie, et qui ne manquera pas de révéler à un grand nombre de spectateurs la réalité cruelle d’une période peut-être encore trop méconnue. Mais d’où émergera une profonde humanité en la personne du Dr Schultz, exceptionnel Christoph Waltz, chasseur de prime et sorte d’avatar de l’aristocratie allemande savante, précipité au cœur d’un univers en devenir mais profondément cruel et ignorant. Lequel libère et prend sous son aile un esclave, Django, parfaitement incarné par Jamie Foxx, assoiffé de vengeance et en quête de retrouver sa princesse Brunhild à la façon d’un Sigfried revisité. Une quête qui conduira cet étonnant duo sur les terres d’un riche et sadique propriétaire terrien, Calvin Candie, interprété par, et je me permets de le dire, l’immense Léonardo DiCaprio.
Alors vous allez me dire : mais n’y a t-il que peine et souffrance ? Que nenni ! Vous répondrai-je. Et là survient le génie de Tarantino.
Dans ce film, il réussit un exercice de style absolument remarquable : faire cohabiter des scènes d’une grande cruauté et terribles dans ce qu’elles représentent, avec des scènes d’un humour affolant. Car quelques secondes après avoir souffert, je riais aux larmes. Et c’est ici que le doute s’installe. Doit-on rire ? Pierre Desproges disait : on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. J’étais seul donc ça tombait bien. Et c’est là que l’on saisit l’intensité et le génie d’un Tarantino qui, implicitement, nous dit : oui riez ! Alors je ris, puis je souffre, puis je ris. Quel sera le ressenti général ? Peu importe. Peu importe même qu’un type comme Spike Lee, aussi grand réalisateur soit-il, ait décidé de boycotter ce film pour des raisons qui, au premier abord serait primairement compréhensibles, mais qui finalement s’avèrent absurdes, la conséquence directe étant qu’il…ne verra pas ce film. Car je rappellerai humblement à Spike Lee que Roberto Begnini avait signé une magnifique œuvre du même genre, La Vie est belle, sans que cela déclenche l’ire de la communauté juive et ses représentants du 7ème art, et bien au contraire même…
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