Premiers émois
Les premiers kilomètres furent tranquilles, il s’agissait d’apprivoiser la bête, d’en appréhender le volume et la masse et de se familiariser avec son comportement et les diverses commandes. Puis l’autoroute se présenta à moi et je fus très vite conquis pas la puissance du V8 et l’agressivité contenue mais bien réelle de ses 306 chevaux. Les portions d’autoroutes illimitées, véritable mythe du conducteur français, étaient plaisantes mais ne me poussèrent pas à l’hystérie. Certes la 540i pouvait allègrement m’amener à sa limite (bridée) de 250 km/h en quelques secondes mais ça n’était que sur de longs bouts de lignes droites au milieu d’une cohorte de berlines rapides et puissantes et toujours très disciplinées. Une petite déception toutefois, le V8 était trop feutrée, limite aseptisé, dommage. Je m’attendais à quelque chose de plus bestial au niveau de sa sonorité.
Avaler dans le plus grand des conforts les kilomètres à grande vitesse est certainement bien agréable mais je n’étais pas complètement conquis, encore une fois il manquait un petit quelque chose pour que tout soit parfait.
Et ce petit quelque chose se produisit…
Après environ 1000 kilomètres effectués et un peu de fatigue plus liée à mon réveil très matinal qu’au chemin parcouru, j’y étais presque mais il me restait un petit passage à faire pour arriver chez moi, la traversée du Jura. En effet j’avais opté par un retour en France via Mulhouse et de ce fait me trouvais du «mauvais côté» du Jura pour rejoindre mes pénates. A ma dernière halte, le GPS m’indiquait 2 heures pour une centaine de kilomètres sur une petite nationale zigzagant dans la montagne et passant par le Col de la Faucille.
Révélation alpine
J’avoue que mes 10 heures d’autoroute m’avaient un peu anesthésié… j’attaquais donc ce dernier tronçon avec comme seul objectif d’arriver à la maison pour prendre un douche et me coucher! C’est à ce moment précis que ma monture décida de me révéler sa vraie nature… quelques virages serrés, une camionnette doublée dans un mouchoir de poche, deux ou trois freinages mordants provoquèrent en moi une poussée d’adrénaline incroyable. Je n’étais plus fatigué, j’étais subitement euphorique et en pleine forme. Ma berline s’était muée en un kart de compétition faisant complètement oublier sa masse et ses dimensions généreuses. Tout était parfait, la tenue de route, la précision machiavélique de la direction, les accélérations incisives et le freinage. Je ne m’étais jamais autant senti en sécurité avec une conduite sportive sur ce genre de petite route. Le pack M n’était plus simplement esthétique, il donnait toute ses lettres de noblesse à la voiture, volant, sièges, châssis, boîte de vitesses et suspensions sports prenaient maintenant toute leur signification. La 540 i Pack M n’était pas une berline d’autoroute, elle était une voiture passion, une voiture plaisir. J’adore conduire mais avais rarement pour ne pas dire jamais pris un tel pied. C’était exceptionnel et là le V8 se faisait sentir, plus par ses vibrations suaves que par un véritable rugissement mais il était bien là pour me scotcher au fond de mon siège et m’imposer le respect.
Le moteur dégageait une telle impression de puissance et de facilité, c’était incroyable. Quel bonheur d’enchainer les virages, d’accélérer, de freiner, de préparer au mieux sa trajectoire quand un volant retransmet parfaitement et immédiatement le moindre mouvement et quand une pédale demande au moteur d’agir en conséquence dans la demi-seconde. Je crois que j’ai eu un grand sourire pendant un peu plus d’une heure…
Etonnamment, au moindre passage sans visibilité et à chaque traversée de village aussi petit soit-il, mon excitation se mettait en pause et tout m’incitait à une grande prudence. Loin du chauffard qui veut coûte que coûte «tenir sa moyenne», j’étais à des années lumières de ces préoccupations barbares, j’attendais tranquillement de retrouver une route dégagée en sachant pertinemment que c’était sur ce terrain là, à ce moment là et dans cette voiture là que le plaisir serait au rendez-vous.
l’Accord Parfait
Juste le plaisir de conduire et rien d’autre. Pas de peur du gendarme, pas de crainte d’un radar, pas de mauvaise conscience de rouler vite puisque la zone était plus que déserte et que de toute façon la route sinueuse ne permettait pas d’atteindre des vitesses déraisonnables, pas de mise en danger des rares véhicules doublés tant le différentiel de puissance me permettait de rester très peu de temps sur la voie de gauche, juste des sensations, physiques d’abord mais surtout émotionnelles ensuite. Le mot n’est pas trop fort, cette voiture faisait naitre en moi des émotions et c’est véritablement ému que j’ai terminé ma chevauchée fantastique en me demandant pourquoi je n’avais pas franchi le pas plus tôt…
Il ne s’agit pas de se prendre pour un grand pilote de course ou d’espérer reproduire cette expérience chaque matin en partant travailler, non mais je savais que mon véhicule était beaucoup plus qu’un moyen de transport et pouvait signifier de temps à autre bien davantage que relier un point A à un point B.
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