L’histoire d’un OVNI chez Ferrari où comment une F40 a-t-elle perdu son haut ?

Sans aucune prétention de ma part, je pense être relativement au fait de l’actualité automobile et de son histoire. J’ai découvert ce week-end totalement par hasard, l’existence de cette étrangeté dénommée « F40 Barchetta ». Curieux de nature et amateur de raretés sur quatre roues, j’ai décidé d’enquêter sur l’histoire de ce modèle unique, récit.

La F40 :
Si comme moi, vous avez été bercé dans les années 80, par la révolution stylistique du design italien, initiée, notamment par Marcello Gandini avec la Lamborghini Countach suivi quelques années plus tard par ce qui deviendra rapidement le symbole des superlatifs en terme de supercars … il s’agit de la Ferrari F40.
La naissance de ce mythe a été rendue possible sous l’impulsion du Commendatore, à la fois pour célébrer les 40 ans de sa marque en 1987 (ça c’est pour le côté Marketing) et pour rentabiliser le développement avorté d’un modèle de compétition basé sur la 288 GTO Evoluzione (ça c’est pour le côté Financier …). La 288 GTO Evoluzione avait été conçue pour répondre au cahier des charges FIA pour l’engagement en compétition en Groupe B.

La Ferrari F40 « street road » a donc héritée en grande partie de la technologie de la 288 GTO, principalement constituée d’un châssis en acier tubulaire avec inserts composites collés et d’un moteur monté longitudinalement, Le F120 Tipo A un V8 de 3,0 litres bi-turbo de 650 ch également dérivé de celui de la 288 GTO Evoluzione. Mais les performances ont été limitées pour atteindre une puissance de 478 ch. La voiture passait de 0 à 100 km/h en 3,6 secondes. Et selon Ferrari, à l’époque, le 1 000 m départ/arrêté était atteint en 21,8 secondes.
La vitesse de pointe est alors de 324km/h, ce qui lui donnait le titre de première voiture de production du XXème siècle à atteindre cette vitesse devant la Porsche 959 d’un an sa cadette. 400 exemplaires prévus furent vendus en très peu de temps, se négociant parfois autour de 5 millions de francs soit plus de 760 000 €. Au final, Ferrari décida d’augmenter la production à 1 315 exemplaires, La F40, saluée à l’époque comme la digne héritière de la 288 GTO, a été l’initiatrice chez Ferrari d’une noble lignée de supercars aussi prestigieuses que rarissimes comme la F50 et l’Enzo.

La F40 LM :
Pour surfer sur le succès du programme commercial de la F40, Maranello a alors décidé d’engager l’écurie Michelotto, longtemps constructeur de voiture de course pour la marque Ferrari, afin de préparer la F40 LM (LM pour Le Mans). Seulement, l’époque n’étant pas aux GT de course, l’ACO ne voulait pas voir la F40 sur la grille de départ du Mans, ce qui aurait pu potentiellement tuer la F40 LM avant même qu’elle puisse prendre son envol.

Mais heureusement la voiture a pu être construite afin de courir dans la série nord-américaine en catégorie IMSA GT. Le châssis d’origine a été entièrement revu, à grand renfort, en grande partie, de fibre de carbone. Le montage de suspensions a été entièrement revu avec des ressorts et des amortisseurs Koni, des barres anti-roulis plus épaisses, des disques de frein Brembo de 355 mm et des roues en alliage OZ Racing de 17 pouces.

Le moteur d’origine de la F40 de route a été conservé, mais ses deux turbos IHI ont été stimulés à 2.6bar et le taux de compression a été porté à 8.0:1.
Michelotto a également équipé la F40 LM de grands échangeurs Behr, d’arbres à cames révisés et d’un tout nouveau système de gestion Weber Marelli capable de contrôler les injecteurs. Tout cela équivalait à une saine augmentation de la puissance de la voiture d’origine pour tenter de rivaliser avec la puissance d’une Formule 1 de l’époque avec près de 720 ch.
Sans les brides, la puissance du moteur pouvait atteindre les 760 ch. Propulsant ainsi la F40 LM à 100 km/h en seulement 3,1 secondes et finir au sprint avec un 368.53 km/h, une vitesse de pointe impressionnante pour l’époque.

En résumé, née pour le circuit et la course, la F40 permit à de nombreux clients de courir dans plusieurs compétitions internationales sans trop modifier la voiture d’origine.
19 exemplaires de F40 LM furent ainsi produits entre 1989 et 1994 en complément des 1 315 modèles de série. Une seconde vie fût donnée en course, via le championnat BPR (ex FIA-GT), aux F40 LM et GTE (des LM remaniées avec une cylindrée majorée à 3.5L ou 3.6L selon les circuits). La puissance est alors limitée à 660 ch. avec les brides, la F40 décrochera ainsi plusieurs fois la 1ère place après de rudes batailles avec les redoutables McLaren F1 GTR qui s’imposeront toutefois au terme des deux saisons.

Le châssis 79890 :
Mais revenons à l’histoire de la Ferrari F40 LM qui a « perdu son toit ».
Le numéro de série 79890, était donc un prototype d’usine qui a été construit et vendu en 1989 à Jean Sage pour le compte de Ferrari France. Ce modèle, essayé dans l’émission turbo par Jacques Lafitte,

A Ferrari F40 LM being driven by former F1 driver Jacques Lafitte

a été engagée en IMSA GT aux Etats Unis pour être piloté par Jean Alesi sur le circuit de Laguna Seca terminant ainsi en 3ème position dès sa 1ère participation. Au cours du Championnat IMSA GT en 1990, Jean-Pierre Jabouille a pris également le volant de « 79890 » aux Etats Unis. Dans l’ensemble, ce châssis était plutôt réussi.

 

 

 

A l’issue de sa vie de compétitrice, elle a été achetée par le milliardaire d’origine belge, Jean Blaton à la fois entrepreneur, collectionneur de voitures et pilote occasionnel, ce dernier courait à l’époque sous le pseudonyme de Jean Beurlys. Favorisant la plupart du temps la marque Ferrari, Jean Blaton a eu une carrière en compétition en ½ teinte, il a cependant réussi à terminer plusieurs courses d’endurance comme Les 24 heures du Mans au cours des années 50 et 60.

 

La naissance de la F40 LM Barchetta :
C’est à partir de ce moment où l’histoire de la F40 LM châssis 79890 devient fascinante.

Véhicule d’origine

L’entrepreneur Belge, non content d’être le propriétaire d’une Ferrari F40 LM au pédigrée et au palmarès décrit ci-dessus, ne voulait pas d’une voiture que tout autre collectionneur était en mesure de posséder.

Pour cela, il a aussitôt contacté un compatriote, Tony Gillet, qui plus tard développera et commercialisera la Gillet Vertigo (voiture disponible dans les 1ères versions de Gran Turismo), La Gilet Vertigo dans le 1er opus de Granturismopour qu’il puisse réfléchir à la transformation de son nouveau jouet !
Ce dernier proposera à son richissime client, une timide mise à niveau en apparence de sa toute dernière acquisition. Après un court instant de réflexion, le milliardaire a simplement demandé au constructeur belge, que le toit lui soit ôté !!


C’est ici que la démarche est peu ordinaire, car nous connaissons des exemples de véhicules prestigieux (F348 barchetta, 959 cabriolet, Aston Martin DB4 GT Zagato Barchetta….) ayant subi l’ablation du toit mais ce fut, dans ces cas des exercices « imposés » à la suite d’un accident ayant gravement endommagé la structure, mais jamais sur l’initiative de son propriétaire alors que sa voiture est en parfait état de marche.

Porsche 959 Cabriolet
Ferrari 348 Barchetta

 

Aston Martin DB4 GT Zagato Barchetta

 

 

 

 

A l’époque, et c’est plutôt compréhensif, cette entreprise a été considérée comme blasphématoire dans la communauté des afficionados en général et des collectionneurs en particulier (seul le préparateur allemand « Koenig Specials » avait osé toucher à une Ferrari et l’initiative de James Glickenhaus et sa Pininfarina P4 / 5 sur base Enzo n’arriverait que 15 ans plus tard).

En premier lieu, les changements les plus importants et les plus visibles ont été faits dans l’atelier de Gillet sous la supervision du constructeur d’origine, Michelotto. Le projet est passé par une phase de conception où de nombreuses propositions ont été étudiées sur la façon « élégante » de supprimer le toit. Une fois que la décision eut été prise, le toit a été coupé et de l’argile a ensuite été appliqué sur l’ensemble de l’arrière de la voiture afin de finaliser la conception des moules.

Moule d’argile

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Outre la suppression du toit, le système de suspension de la voiture a été totalement repensé pour laisser place à une double triangulation, le système d’échappement lui, a été re-dirigé vers les roues arrières, de sorte qu’un nouveau « facing arrière » soit également repensé. Pour pouvoir répartir la puissance sur la route, un système de 4 roues motrices indépendantes à été développé, une innovation pour l’époque puisque cette configuration a été exploitée par l’usine pour l’Enzo, la FXX ainsi que d ’autres voitures de compétitions récentes.

Lors de sa collaboration dans la modification profonde de ce modèle, Michelotto en a profité pour enlever les plaques de restriction limitant la puissance globale de la F40 LM, lui permettant ainsi de faire respirer à nouveau le moteur B Tipo F120 V8 bi-turbo et en l’aidant à exploiter pleinement ses 760 ch. Je vous laisse imaginer le souffle d’air à 368.53 km/h sans toit. Ce serait quelque chose comme tirer sur la gâchette d’éjection du siège d’un avion de chasse …

Avec la suppression du toit, il est évident que la voiture a perdu une grande partie de sa rigidité. Ceci a été compensé par l’installation d’une solide cage tubulaire en acier placé autour de la cellule de pilotage en intégrant un élégant arceau au-dessus de la tête du pilote.
Quand au pare-brise, il a été conçu à partir d’une seule pièce en Lexan laminé et formé pour donner une certaine protection pour le pilote en dérivant l’appui de l’air. L’intérieur est, à priori, resté à peu prêt intact.

L’unique F40 roadster n’a jamais été officiellement baptisé, mais dans le cercle fermé des Ferraristes il est connu sous le nom de « Ferrari F40 LM Barchetta » ou tout simplement, « F40 Beurlys » (en hommage à son propriétaire).

Le 13 Février 2005, la « F40 Beurlys » a été mise aux enchères à Paris avec 41 autres voitures de la collection de Jean Blaton. Estimée entre $ 190,000 et $ 245,000 (142 387 € et 183 597€), elle n’aura pas trouvé preneur. Je ne suis pas en mesure actuellement de vous certifier si la voiture est toujours dans la famille Blaton ou si la propriété a été transférée par le biais d’une vente privée.

F40 barchetta lors de la vente aux enchères au Palais des Congrès de la Pte Maillot

D’autres légendes ont courues autour de la F40 Barchetta, notamment qu’il ne s’agissait pas d’une véritable Ferrari F40 mais plutôt d’une réplique en fibre de verre avec un moteur posée sur un vulgaire châssis tubulaire.

F40 barchetta lors de la vente aux enchères au Palais des Congrès de la Pte Maillot

Une seconde légende hantait également les paddocks, il s’agissait effectivement d’une voiture commandée par Jean Blaton, mais celle-ci aurait été construite par une équipe italo-suisse sous la supervision de Mario Navarete ingénieur d’origine argentine, aidé d’anciens techniciens de l’écurie italienne de F1 Coloni. Le groupe motopropulseur proviendrait d’une F40 endommagée.

Quelle que soit sa véritable histoire (en espérant que celle que je vous ai compté soit la bonne !), nous ne pouvons que saluer l’initiative de ces riches passionnés comme le Sultan de Bruneï, Clapton ou Blaton car la F40 Barchetta ou F40 Beurlys est une anomalie historique fascinante et bien que Ferrari ne la reconnaisse pas comme un modèle officiel, c’est le symbole de la haute couture automobile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Info via Jalopnik, Ultimatecarpage, Caradisiac, le blogauto, Wikipedia and FerrariChat
Crédits Photos & Vidéo : M6, Eddy Clio, Flickr, Carigan, OLB, supercarinparis.fr, rmc-cars, arthomobiles.


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